Conjugué à son inaltérable sens de l'esthétique, le regard aiguisé de Dany Liehrmann risque encore d'éblouir les chercheurs d'art liégeois les plus exigeants, durant ce mois de novembre aux feuilles si virevoltantes qui invitent tant la nature à prendre ses quartiers d'hiver pour mieux renaître au prochain printemps.

La célèbre galerie du boulevard Piercot ne vient-elle pas de se transformer aux couleurs de l'automne avec les dernières productions de Denis Bruyère, cet artiste sublimant une technique époustouflante, si patiemment apprise des anciens, ces fabuleux ébénistes du passé, ayant imaginé chaque pièce comme une œuvre d'art ? Restaurateur de meubles fatigués par les années, chirurgien du mobilier appartenant au grand patrimoine ancien, ébéniste de l'excellence, cet artisan theutois a tout retenu de ses illustres prédécesseurs pour offrir aujourd'hui une gamme d'objets précieux, réalisés avec ses matières de prédilection: essences boisées, verre églomisé, métal sculpté... La plupart de ses créations contemporaines contiennent, en outre, des éléments de surprise, comme ses rochers habités recelant une ouverture masquée, dévoilant soudain des décors de bois précieux…

« J'ai cet amour curieux et inconditionnel pour les matières que nous offre la Terre, confie-t-il de sa voix chaude. Les essences de bois reprennent la vie de l'arbre ou de la racine dont elles sont extraites. J'essaie de ne pas trahir la Nature mais de la révéler sous une autre forme. Elle n'a pas été emprisonnée, mais magnifiée avec respect. A travers mes gestes, à travers mes mains… »

Pour mieux comprendre le cheminement de cet artisan magnifiant l'artiste, un ouvrage vient de sortir de presse : "Denis Bruyère, Art & Nature" (Editions des archives contemporaines, Paris, 2016). Il évoque son étonnant parcours que Marc Vanesse, professeur de journalisme (ULg), a retracé avec le concours d'une bonne trentaine de témoins, et, bien sûr, de longs entretiens et moments passés avec Denis Bruyère et les siens. Ce livre d'art est, en outre, illustré par de superbes photographies de Guy Philippart de Foy qui est parvenu à traduire le travail de Denis Bruyère en idéalisant chaque matière domestiquée par ses mains si habiles.

En 1996, Denis Bruyère avait déjà exposé ses tout premiers objets à Paris chez Jean Gismondi, l'un des plus grands antiquaires de la Ville Lumière, lequel résumait ainsi le travail de notre artisan theutois: « Vous avez la rigueur des Allemands et le soleil des Italiens. C'est très rare! ».

Expert chez Sotheby's et chroniqueur à l'émission Antiques Roadshow (BBC), Christopher Payne avait prononcé une conférence à Londres, consacrée au travail de Denis Bruyère, intitulée 'A Modern Master at the 21th Century'. Il avait conclu son intervention en ces termes: « It has been a great pleasure to work such an inspired creator and master crafstman as Denis Bruyère on two international projects. It is very exciting to collaborate with a modern designer to create 'antiques of the future', a heritage for future generations ».

Quant au poète Julos Beaucarne, subjugué par les premiers objets créés par cet artisan ingénieux, il avait résumé son savoir-faire d'une formule éloquente, qualifiant Denis Bruyère de « haut-couturier du bois »…